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blaireau, coupe-chou, mousse à raser, Rasage, rasoir, savon à barbe
Le paradigme de la mode est également celui de la bêtise collective : il suffit qu’une publicité clame haut et fort que son produit est excellent, qu’il vous rendra heureux et j’en passe, pour que chacun le gobe, tels les rats charmés par le joueur de flûte de Hamelin. L’esprit critique n’est hélas plus un attribut du citoyen moderne. A ce propos, les réclames pour rasoirs et autres mousses à raser sont celles qui me révulsent le plus. Il semblerait que ce soit une compétition pour savoir quel fabricant est capable de créer le rasoir avec le plus de lames possibles, ou les mousses à raser les plus chimiques, aux senteurs les plus insipides et tapageuses. Dans quel but ? Mieux se raser ? Gagner du temps ? Mais, au juste, à quoi servent les soit-disant précieuses minutes, gagnées grâce au tout nouveau rasoir à six lames oscillo-rotatives à double-tranchant, si elles sont, au final, passées à regarder L’amour est dans le près ? A quoi servent ces mousses à raser hors de prix qui, sous couvert de technologie, sont en fait un amas de produits chimiques qui transforment la peau en champ de bataille ?
Si vous vous posez ces questions, c’est qu’il est temps de changer votre manière de vous raser, au profit de l’indissociable trio coupe-chou, blaireau et savon à barbe. Vous ne gagnerez pas directement de temps par rapport à un rasage ‘normal’ : surtout au début, lors de la phase d’apprentissage, et même sur le long terme. Vous en gagnerez cependant indirectement, car le coupe-chou rase de très près. Considérez ainsi que vous aurez à vous raser deux fois moins souvent. Également, vous raser de la sorte est bien plus respectueux pour la nature : adieu rasoirs jetés presque tous les jours et mousses à raser polluantes. De plus, ces dernières ne sont pas agréables : bourrées de produits chimiques, elles provoquent souvent des démangeaisons, ce qui n’est pas le cas du savon. Enfin, vous transformerez une pratique fastidieuse en une agréable expérience multisensorielle. Voir votre coupe-chou, blaireau et savon à barbe, trôner fièrement dans votre salle de bain, en lieu et place de votre feu rasoir à dix-huit lames et de votre mousse à raser, sera un vrai plaisir visuel. Sentir le manche de votre coupe-chou au creux de votre main, de même que faire mousser le savon grâce à votre blaireau, seront un délice tactile. Humer la douce odeur parfumée du savon à barbe, puis de la lotion d’après-rasage, seront une véritable promenade olfactive. Enfin, écouter le raclement du coupe-chou sur votre peau sera une expérience auditive que vous apprendrez à apprécier avec le temps.
Se raser de la sorte est aussi un des seuls moyens, avec cirer ses souliers, de se retrouver seul avec soi-même, dans un monde où tout va trop vite. C’est un moment d’élégance trop rare que vous saurez apprécier.
Voici, pour se se raser ainsi, quelques conseils pour bien commencer. Il s’agit d’acquérir du matériel et de savoir comment s’en servir. Vu le déclin de cette pratique, cela n’est pas aisé si l’on n’a pas les bonnes adresses :
Plisson est une enseigne très discrète, aux produits de qualité : je vous la recommande vivement pour tout ce qui touche aux blaireaux et savons à barbe. Certains sont très onéreux, d’autres plus abordables. On peut généralement retrouver leurs produits dans de Grands magasins (Printemps, Galeries Lafayette…) au corner dédié, ou bien à commander directement sur leur site, bien que l’on ne puisse pas voir, toucher, ni sentir le produit. Les blaireaux, comme leur nom l’indique, sont en poil de blaireau véritable. Grossièrement, plus le poil est blanc, plus il est rare et doux. Je vous conseille, en revanche, de choisir la dureté des poils en fonction de celle de votre barbe. En effet, un des grands avantages du blaireau est de redresser vos poils avant la coupe, ce qui évite, entre autres, les ‘poils incarnés’. De ce point de vue ci, un blaireau dur conviendra mieux à une barbe épaisse et revêche. Si le manche du blaireau peut être fait de n’importe quelle matière, je vous recommande toutefois de choisir un bois discret, voire du plastique, qui seront bien plus élégants qu’un métal rutilant qualifié de ‘précieux’. L’élégance n’est point affaire d’artifices.
Enfin, concernant le savon : pour une première fois, vous pouvez acquérir un bol en contenant, puis, les fois suivantes, seulement acheter des recharges. Il est possible de trouver des bols en céramique, en bois, en métal…certains, en bois ou en céramique, sont très réussis, et sont fournis avec un capuchon pour que le savon ne prenne pas la poussière lorsqu’il est inutilisé. Afin de faire mousser le savon, il vous faut mouiller légèrement votre blaireau, puis décrire des cercles à la surface du bol.
Une fois le savon appliqué sur votre visage, c’est là qu’intervient le coupe-chou. Sa taille est exprimée en huitième de pouce (3/8, 4/8 etc…, le 5/8 étant le adapté au rasage global, tandis que les plus petits sont plus pratiques pour raser autour d’une moustache par exemple). Vous pouvez en trouver chez Thiers-Issard ou Dovo, mais aussi sur Ebay. Sur le site de ce dernier, de nombreux particuliers vendent des coupes-chou de seconde main d’excellente facture et en bon état, et parfois, des pièces d’exception. Cela peut être une très bonne alternative si l’on est débutant ou que l’on a un budget limité, à condition d’acheter une lame qui n’aura pas besoin d’être restaurée. Ne cherchez pas une enseigne en particulier : les coupes-chou d’occasion proviennent d’une époque hélas révolue, dans laquelle la ‘marque’ n’importait pas. Afin de bien se raser sans se couper, le coupe-chou doit être tenu à un angle d’environ 30° par rapport à la peau. Il vous faudra toujours étirer cette dernière lors du passage de la lame. Lors de vos premiers essais, vous risquez d’avoir quelques coupures. Ne vous découragez pas : comme pour toute autre chose, l’expérience vient avec la pratique.
Concernant l’affutage de la lame, il vous faudra acquérir un affuteur. C’est une bandelette de cuir sur laquelle il faut effectuer des allers et retours (en gardant la partie opposée à la lame collée au cuir lors des changements de direction, et non pas l’inverse), comme le montre cette très agréable vidéo :
Une fois le rasage terminé, n’oubliez pas de nettoyer votre blaireau, puis de le suspendre tête vers le bas, afin d’éviter que l’eau coule en son centre et n’altère la colle tenant les poils. Attention également à bien sécher la lame, et à ranger le coupe-chou dans un endroit sec, afin d’empêcher l’oxydation de l’acier.
Un tel matériel (ensemble affuteur, coupe-chou, blaireau et savon à barbe) vous coûtera au grand minimum 80€ avec des pièces d’occasion, 120€ si vous achetez du neuf. C’est bien peu si l’on regarde le prix d’un rasoir électrique par rapport à un coupe-chou, ou le prix au kilo de la mousse à raser par rapport à celui du savon à barbe. Et, toutes considérations financières mises à part, il s’agit premièrement de mieux prendre soin de sa peau et de l’environnement, et de se raser de plus près. Il s’agit également, et bien évidemment, de se raser avec élégance, dans les règles de l’art, en s’affranchissant d’innovations dont nous pouvons, pour la plupart, nous passer.
Ayant résumé l’essentiel lors de ce billet, je vous invite à visiter le forum Coupe-Chou Club, où vous pourrez trouver des informations plus détaillées sur l’art et la manière de se raser avec un coupe-chou, son entretien, son affutage, et bien plus encore. Bon rasage !
Damien a dit:
Bonjour,
Je me permets de rajouter qu’il y a une autre solution entre le rasoir jetable ou Gillette mach 6: le rasoir de sûreté.
Il ne rase certes pas aussi bien que le coupe-chou, mais apporte un réel plaisir le matin et peut durer toute une vie également.
D’un point de vue économique, 5 lames à Carrefour valent moins de 2 euros, dérisoire face aux multi lames.
Le Paradigme de l'Elegance a dit:
Bonjour Damien,
Tout à fait ! J’y consacrerai un futur billet.
Jérome a dit:
Le rasoir de sureté ou « Double Edge » est une bonne étape avant de passer au coupe-chou pour commencer à apprendre à manier une lame qui coupe (rien à voir avec gil..te).
Pierre-Emmanuel a dit:
Effectivement, le rasoir de sécurité est une alternative très agréable, et moins « brutale » (en termes de changement depuis les jetables et rasoirs 150 lames). On en trouve pour presque rien des très beaux (notamment Gilette, comme quoi) des années 50 sur eBay.
Muskar a dit:
Si vous n’avez pas de savon à barbe, les pains de savon de Marseille (400 gr) font parfaitement l’affaire.
Quidam a dit:
J’aurais plutôt tendance à déconseiller le savon de marseille traditionel et toute autre forme de savon pour la douches ou pour se laver les mains.
Un savon essentiellement à base d’huile d’olive ne moussera pas bien parce qu’il n’a pas assez d’acide palmitique, d’aicde stéarique ou d’acide ricinoléique. Il va faire de grosses bulles au lieu d’une mousse très dense composée de toutes petites bulles. L’acide stéarique, entre autre, permet d’avoir une mousse dense qui tient longtemps alors que la mousse du savon de marseille va sécher rapidement et les bulles disparaitrent.
De plus s’il n’a pas été saponifié pour être légèrement surgras, il risque de déssecher la peau.
Les savons pour la douche et pour le rasage ne sont pas formulés de la même façon. Les savons pour la douche sont formulés de façon a être lavant et moussant alors qu’un savon à barbe pourra ne pas être très lavant, on recherche avant tout un aspect crémeux et non moussant.
Erwan a dit:
A noter sur le sujet l’excellent Badger & Blade
http://badgerandblade.com/vb/forumdisplay.php/10-Shave-Scent-of-the-Day!
Capitaine Caverne a dit:
Il existe des boutiques spécialisées qui sont souvent d’excellent conseil (notamment pour les parisiens Planète Rasoir rue de Clichy qui fournit notamment les grands magasins).
Coté savon, je recommande le traditionnel Martin de Candres. C’est un peu onéreux à l’achat mais ça fait deux ans et je ne suis pas arrivé au bout de mon pot…
Enfin si je souscris au plaisir et à l’intérêt (notamment économique et écologique) du sabre, il faut noter qu’il peut ne pas être adapté pour un rasage quotidien. Pour une barbe bien fournie, un débutant met au moins 45 minutes à se raser (et les coupures peuvent être nombreuses au départ).
En revanche c’est un plaisir le week-end.
Pascal a dit:
Désolé de vous contredire mais le magasin que vous citez n’a pas bonne réputation chez les sabreurs. Les vendeurs n’ont que peu de connaissances sur cet art du rasage à l’ancienne et se préoccupent plus de vous vendre plein de matériel inutile assortit de mauvais conseil. Adresse à éviter.
Cabarfeidh a dit:
je tiens à dire que le personnel de Planète-Rasoir a toute compétence dans le domaine du cc. S’il n’ont pas bonne presse, c’est parce que, comme tout commerçant, ils pratiquent une marge et que les sabreurs aiment bien, en général, faire des trouvailles au meilleur prix.
david a dit:
Merci, pour ces précieux conseil,et ces propos pleins de bon sens.
Nicolas M. a dit:
Etant écologiste radical, ça fait pas mal de temps que je pense à me mettre à ce mode de rasage. Je suis très content d’avoir découvert cet article -et ce blog- qui est à mes yeux d’excellente facture, nous avons visiblement les mêmes idéaux et ça fait plaisir à lire. Cependant, un détail me gêne : comment les poils de blaireaux sont ils récoltés ? Tue-t-on des animaux dans le seul but de les récupérer ? Je sais que les blaireaux sont considérés comme nuisibles, de ce fait j’ai bien peur que ce ne soit le cas, d’autant plus qu’à ma connaissance nous ne mangeons pas leur viande. Que l’on se comprenne bien : je n’ai rien contre l’utilisation de poils d’animaux pour la confection de blaireaux, très loin de là, mais il me paraît bien plus propre en terme d’éthique d’opter pour des poils de sanglier ou de cheval, animaux qui sont également tués pour leur viande (peut-être même qu’il est possible de raser le crin du cheval lorsqu’il est vivant plutôt que de l’abattre). Des précisions à m’apporter quant à ça ?
Sincèrement vôtre,
Le Paradigme de l'Elegance a dit:
Bonjour,
Merci pour votre commentaire.
Je n’ai hélas aucune information quant au mode de récolte des poils de blaireau, et je doute que poser de but en blanc la question aux entreprises qui en produisent (comme Plisson par exemple) mène à une réponse sincère. Je vous rejoins en tout cas sur ce problème éthique. Quoi qu’il en soit, je pense que le poil de blaireau possède certaines qualités que ceux d’autres espèces n’ont pas. Je suppose que nos aïeux ont essayé plusieurs solutions !
Amicalement,
LPDE
Vincent a dit:
Bonjour,
Plisson fabrique désormais des blaireaux synthétiques.
Nickel pour l’éthique 😉
Nicolas M. a dit:
L’idée de poser la question aux fabricants m’intéresse, même si, effectivement, ils risquent de ne pas être de la plus pure honnêteté.
Je pense me rabattre sur le sanglier ou le crin de cheval, peut-être même que je fabriquerai l’objet de mes mains, étant passionné par l’artisanat. Dans tous les cas cet article m’a beaucoup apporté, encore merci !
Clementine a dit:
Avez Vous d’autres sites a nous conseiller quant a l’achat d’un coupe-chou ?
Cabarfeidh a dit:
Le rasage au coupe-chou correspond à un art de vivre. Je le pratique depuis un peu plus de quatre ans.
Pour moi, il n’est pas question de revenir en arrière.
Je suggère à ceux qui seraient intéressés de visiter le forum du Coupe-Chou Club. C’est une mine d’informations qui vous donnera certainement l’envie de sauter le pas.