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Amartya Sen, Chaps, Compétitivité, Jean-Paul Fitoussi, Joseph Stiglitz, PIB
Depuis la création du blog, je développe l’idée que l’élégance ne réside pas seulement dans la capacité à arranger une mise avec goût, mais aussi, et peut-être même avant tout, dans une position morale. Cette position, c’est l’art de vivre associé à une certaine éthique ainsi qu’à un comportement réfléchi, donc dénué de tout panurgisme.
Or, les idéaux actuellement portés par les partis français me semblent profondément incompatibles avec cette volonté de défendre l’art de vivre, ainsi que de nous battre contre le grégarisme ambiant. Je me permets donc de sortir de mon habituel silence politique. Qu’ils soient de droite ou de gauche, les partis défendent un modèle de société certes cohérent, mais dont les concepts fondateurs sont à mon avis aujourd’hui totalement faussés, car inadaptés. Les concepts en question sont principalement le PIB et la compétitivité. Le PIB (produit intérieur brut) prend en considération la somme de toutes les productions, et donc des consommations, comme indicateur de réussite et de progrès économique. A une époque de consommation en masse de biens d’équipement qu’étaient les Trente Glorieuses en France, un tel indicateur pouvait être pertinent. Mais aujourd’hui, en quoi la consommation est-elle synonyme de réussite et de progrès économique ? Les services mis à part, consommer plus de biens matériels signifie à la fois qu’ils sont moins durables, puisqu’il est apparemment nécessaire de les remplacer davantage, et, d’autre part, car celui-ci est ‘à la mode’. Ainsi, le PIB reflète une simple accumulation de richesse, sans s’attaquer à sa structure. De ce fait, un PIB qui augmente moins vite que l’année précédente peut tout à fait signifier une amélioration de la durée de vie des biens de consommation. Un tel indicateur ne serait absolument pas un danger s’il n’était pas agité par toute la classe politique comme un idéal à atteindre à tout prix. « Le PIB a diminué de 0,5 points depuis le début de l’année, nous devons redresser la barre !« . Chacun se félicite de l’augmentation de la consommation, mais personne ne pense à remettre en cause ce qui s’impose pourtant comme une évidence. A droite comme à gauche, le niveau de réflexion est tel que les politiques économiques se bornent presque uniquement à « remonter dans le classement des pays en terme de PIB« . Affligeant, d’autant plus que la concurrence entre pays est fantasmée, et le protectionnisme qui découle parfois de cette chimère constitue une folie.
Cette volonté incomparable et incompréhensible de se comparer à d’autres pays aux modèles sociaux et économiques très différents culmine dans le concept de compétitivité. Ainsi, la France est conspuée de toutes parts du fait de ses choix sociaux, qui sont supposés « miner » la « compétitivité » française. Il semble tout d’abord incroyable d’associer la compétitivité à un pays, puisque c’est une notion utilisée pour décrire la capacité, pour une entreprise, de réussir dans un climat de concurrence. Un pays peut-il être assimilé à une entreprise, et être appréhendé comme faisant partie intégrante d’un paradigme concurrentiel ? Ce sont deux entités très différentes, à la fois en termes d’horizons temporels, mais aussi de capacité à s’endetter et de mission sociale. Cette comparaison continue malgré tout, et mène à des constats forcément biaisés. C’est traditionnellement la droite qui impute le soit-disant « manque de compétitivité » français aux salaires jugés trop élevés. En réalité, la compétitivité d’un État, si on la définit en tant que capacité à attirer des entreprises étrangères tout en retenant les françaises, comprend bien plus que le salaire. Il s’agit de l’état des infrastructures et des services publics : routes, télécoms, ou efficacité et potentiel corruptible de la Justice en font par exemple partie. Elle est également conditionnée par une notion floue et très difficilement mesurable, qui détermine la productivité : le bien-être. Si nous définissions la notion de bien-être comme étant la sensation de bonheur ressentie lors des temps libres aménagés à côté du temps de travail, alors cette notion est absolument incompatible avec l’objectif poursuivi par les tenants de la fausse compétitivité de l’Etat, puisque ceux-ci sont convaincus que le temps de travail doit être augmenté pour l’atteindre, et pour « garder de l’avance sur les pays concurrents« .
Faisons le lien avec les valeurs de l’élégance défendues ici, où l’élégance est perçue comme une position morale. Selon celle-ci, les consommations superflues, bien souvent synonymes de mode ou de gaspillage, lui sont contraires, puisque les élégants peuvent se targuer de pouvoir garder une paire de souliers ou un habit une dizaine d’années, si ce n’est toute une vie. Certains récupèrent même avec bonheur ceux de leurs aïeux. Or, ce sont justement les principes de mode et de gaspillages qui sous-tendent l’acceptation béate du PIB. La notion de compétitivité, quant à elle, est intrinsèquement antagoniste avec la notion de bien-être. L’élégance se nourrit en effet de temps libre et de loisirs, afin de s’emmitoufler dans une vie hors de la course effrénée à l’enrichissement. Cette posture se retrouve notamment chez les Chaps. « Ils regrettent un temps révolu où l’homme était au centre de la société, et où l’on prenait le temps de vivre« , disais-je dans le billet que je leur avais consacré il y a quelques mois. Bien qu’humoristique, leur combat montre là aussi l’antagonisme entre l’élégance et la société du rendement.
En réalité, l’erreur commise à propos du PIB et de la compétitivité est enfantine : les politiques confondent la fin et les moyens. L’argent et le bien être. Plus de 2.000 ans auparavant, Aristote faisait pourtant le même constat : ce qu’il nommait la Chrématistique désignait l’accumulation de richesses comme une fin en soi et qui, selon lui, déshumanisait ceux qui s’y prêtaient. Hélas, le constat est toujours le même : la richesse devrait non pas être utilisée pour acquérir des biens matériels inutiles, ou -pire !- pour elle-même, mais plutôt pour créer des moments amenant bonheur et bien-être, bien que ces notions soient floues. Cette théorie, ainsi que celle de la remise en question des notions de PIB et de compétitivité étatique, sont avant tout celles de Jean-Paul Fitoussi (ancien président de l’Observatoire Français des Conjonctures Economiques – OFCE), Amartya Sen (Nobel d’économie 1998) et Joseph Stiglitz (Nobel d’économie 2001) dans leur ouvrage commun, Richesse des Nations et Bien-Être des individus (2008). De manière extrêmement surprenante, ce rapport a été commandé par…Nicolas Sarkozy, sans qu’il n’y prête aucune attention par la suite !
La preuve de cette indifférenciation entre fin et moyen est l’utilisation des gains de productivité. Un gain de productivité est une amélioration au sein d’un processus de production, permettant soit de produire autant avec moins de facteurs de production (pour le bien de la démonstration, disons que le capital est fixe, et que seul le travail peut varier), donc de diminuer le travail nécessaire ; soit de permettre de baisser les prix en optimisant le processus productif ; soit en augmentant les salaires ou les profits. Hélas, la baisse du temps de travail n’a aucune mesure avec la hausse des gains de productivité. Ceux-ci sont donc utilisés pour un enrichissement toujours plus grand, ou pour pouvoir baisser des prix encourageant encore et toujours une consommation grégaire peu souhaitable. Est-ce dont cela que l’on appelle le progrès ?
La politique, qui se définit comme la gestion, l’administration de la cité, relève avant tout de choix philosophiques profonds. Nous devons nous interroger : quelle type de société voulons-nous ? Une société privilégiant l’Homme, ou l’économie ? C’est à peu près en ces termes que le Bhoutan, petit pays Himalayen niché entre l’Inde et la Chine, a mené sa réflexion. Il a ainsi décidé de s’attacher durablement au bien-être de ses citoyens en abandonnant le PIB, au profit du BIB (Bonheur Intérieur Brut). Indicateur certes très subjectif et incomplet, mais qui a le mérite d’ouvrir une voie depuis longtemps attendue. Fitoussi, Sen et Stiglitz recommandent d’ailleurs un panel de 3 ou 4 indicateurs triés sur le volet, afin de sortir du piège de l’indicateur unique que constitue le PIB, et également dans le but que l’économie soit au service de l’Homme.
Espérons une prise de conscience à l’approche des élections présidentielles.
Voici un article auquel je ne peux qu’adhérer … merci LPDE pour ce billet d’un époustouflant réalisme .
M.M
Bonjour,
Quelques éléments de réflexion en réponse à vos analyses et à votre billet très inspirant, si je puis me permettre.
« consommer plus de biens matériels signifie à la fois qu’ils sont moins durables, puisqu’il est apparemment nécessaire de les remplacer davantage, et, d’autre part, car celui-ci est ‘à la mode’. Ainsi, le PIB reflète une simple accumulation de richesse, sans s’attaquer à sa structure. De ce fait, un PIB qui augmente moins vite que l’année précédente peut tout à fait signifier une amélioration de la durée de vie des biens de consommation. »
Malheureusement, je pense que cette vision est un peu faussée et idéaliste. Pour la très très grande majorité de nos compatriotes, on ne consomme pas pour accumuler, mais pour subvenir à des besoins bien réels. Une réduction du PIB au niveau national traduit principalement dans les faits des privations plus importantes de la part de nos compatriotes qui n’ont plus les moyens de consommer des biens dont ils auraient effectivement besoin. Cet appauvrissement « visible » du pays est d’ailleurs malheureusement une évidence quand on veut bien ouvrir les yeux. Quant à la nécessité que vous invoquez de remplacer les biens plus souvent parce qu’ils seraient moins durables, elle semble faire écho à ces polémiques sur les appareils qui seraient conçus avec une limitation de leur durée de vie programmée. Je lisais l’autre jour un article très pertinent qui soutenait que cette impression (communément partagée par nombre d’entre nous) serait infondée. Il avançait des arguments très pertinents. Par exemple, à propos des appareils électroniques (une imprimante, je crois) : il s’avère que ces biens sont vendus à des prix tous justes au dessus de leur prix de revient, afin de capter des parts de marché. Les producteurs faisant ensuite des profits sur les consommables. Il serait donc absurde pour eux d’inciter au renouvellement des ces appareils trop souvent.
Si je partage donc votre critique des solutions faciles du type protectionniste, je crois pas que le PIB – ou le taux de croissance dont on entend aussi beaucoup parler – soient des indicateurs si déconnectés que ça de la réalité. Ils permettent de saisir les tendances à l’appauvrissement ou à l’enrichissement des économies.
« Un pays peut-il être assimilé à une entreprise, et être appréhendé comme faisant partie intégrante d’un paradigme concurrentiel ? Ce sont deux entités très différentes, à la fois en termes d’horizons temporels, mais aussi de capacité à s’endetter et de mission sociale. Cette comparaison continue malgré tout, et mène à des constats forcément biaisés. »
Il me semble pourtant qu’une des thèses les plus dangereuses que je trouve reprise en boucles dans les discours de tous les populistes actuels est cette idée que les Etats, de par leur nature, échapperaient à toute exigence de bonne gestion. Parce qu’ils sont des Etats, ils seraient immunisés à la faillite. Parce qu’ils sont des Etats, ils pourraient dépenser sans compter, creuser les déficits, emprunter sans cesse davantage pour financer les dépenses de fonctionnement et les intérêts de la dette. Il ne suffirait qu’à faire marcher la planche à billet, qu’à fabriquer de l’argent. Cette analyse simpliste repose sur une lecture faussée des thèses de Keynes. Elle est en outre amnésique. Notre histoire nous a enseigné les périls des dévaluations successives et de abus de la planche à billet. De graves crises géopolitiques sont nées de pareils dérives.
« La compétitivité d’un État, si on la définit en tant que capacité à attirer des entreprises étrangères tout en retenant les françaises, comprend bien plus que le salaire. Il s’agit de l’état des infrastructures et des services publics : routes, télécoms, ou efficacité et potentiel corruptible de la Justice en font par exemple partie. »
Ceci est vrai, et fait partie des inquiétudes de ceux qui dénoncent le manque de compétitivité de la France. Le rapport coût/efficacité de nos infrastructures et de nos services publics est inquiétant. Améliorer la compétitivité ne signifie pas nécessairement une diminution de la qualité des prestations ou des productions, mais peut consister en une meilleure gestion qui permette d’améliorer le rapport coût/efficacité. D’ailleurs, l’injection de moyens supplémentaires ne se traduit pas nécessairement par une augmentation de la qualité des prestations, loin s’en faut. Notre Education Nationale en crise en est l’illustration.
« Si nous définissions la notion de bien-être comme étant la sensation de bonheur ressentie lors des temps libres aménagés à côté du temps de travail, alors cette notion est absolument incompatible avec l’objectif poursuivi par les tenants de la fausse compétitivité de l’Etat, puisque ceux-ci sont convaincus que le temps de travail doit être augmenté pour l’atteindre, et pour “garder de l’avance sur les pays concurrents“.
L’invocation de cette notion est peu pertinente à mon sens. Non pas que j’y apporte peu de considération: comme tout un chacun, je cherche toujours plus de bonheur. Le problème est qu’il n’y a rien de plus subjectif que le bonheur. Chaque individu aura une vision du bonheur différente de celle de son voisin. Elle pourra d’ailleurs évoluer dans le temps, changer au fil de sa vie. Les priorités ne sont pas les mêmes pour chacun d’entre nous, elles dépendent de nos affinités propres, voire de nos conditions. Vouloir mesurer le bonheur suppose qu’on puisse l’identifier. Or la seule manière de le faire serait de définir officiellement un bonheur nationale officiel et légitime: celui qui se doit d’être celui que nous poursuivons tous. Et c’est un projet tout simplement totalitaire. Pour certains, le bonheur passe pas la procrastination? Pour d’autre elle passera pas l’exercice d’une activité – parfois professionnelle. Parfois, elle n’aura rien à voir avec la quantité de temps que l’on accorde à son activité professionnelle, mais à la poursuite de passions et dès lors, la poursuite du bonheur passera par un équilibre entre la sauvegarde d’un certain temps libre pour s’y adonner et l’acquisition d’un niveau de prospérité nécessaire pour s’y consacrer. Gardons-nous bien de vouloir ainsi s’immiscer dans ce qui est le plus cher et le plus personnel à l’homme. L’Etat doit surtout veiller à créer les conditions qui permettent une prospérité générale du pays, afin que chacun puisse trouver sa voie, accéder à ses aspirations en fonction de son mérite et de ses capacités, et éviter l’apparition d’obstacles à l’avènement d’un environnement favorable. C’est déjà beaucoup et loin d’être réussi. Ensuite, il reviendra à chacun de définir ce à quoi correspond son bonheur et d’en profiter.
C’est pour ça qu’il est absurde de reprocher à l’Etat de confondre argent et bien être (surtout qu’il convient de souligner qu’il ne se donne pas les moyens d’assurer même le premier) : l’argent est mesurable. Le bonheur, non. La prospérité d’un pays est un objectif matériel concret qui peut créer les conditions d’une recherche plus effective du bonheur par les individus qui y habitent.
« Cette posture se retrouve notamment chez les Chaps. “Ils regrettent un temps révolu où l’homme était au centre de la société, et où l’on prenait le temps de vivre“
Cette posture est une imposture si elle est évoquée pour justifier une mauvaise gestion économique. Car s’il fut un temps où l’on prenait le temps de vivre, cela ne concernait qu’une infime minorité d’individus qui pouvait ainsi vivre dans une prospérité assurée et oisive parce que des masses laborieuses travaillaient jour et nuit, dans nos usines et dans nos campagnes, dans les chambres de bonne des hôtels particuliers, sans jamais prendre de vacances ou connaître une grasse mat’. Nous pouvons critiquer l’époque actuelle où chacun a tendance à gaspiller en achetant vingt chemises de basse qualité H&M en étant nostalgique d’une époque où l’artisan chemisier produisait des chemises qui pouvaient durer une vie. Mais c’est oublier que 99,9% de la population d’alors ne possédait qu’une chemise et qu’une seule paire de souliers, portés tous les dimanches, toute leur vie et pas par goût, mais par nécessité. Je ne crois pas qu’il faille regretter cet état des choses. Car après tout aujourd’hui, il existe toujours de très bons artisans capables de fabriquer pour ceux qui en ont le goût, de beaux produits, qu’ils prendront plaisir à porter et entretenir toute leur vie par plaisir, bonheur luxueux et et onéreux. Et pas par nécessité.
« La preuve de cette indifférenciation entre fin et moyen est l’utilisation des gains de productivité. »
Les gains de productivité, c’est ce qui permet à une part toujours plus important de la population de posséder, deux, trois voire quatre paires de souliers, et non pas une seule. Qu’une personne puisse acquérir une voiture familiale avec tous les équipements de sécurité les plus modernes pour 10.000 euros (bientôt) lorsqu’ils étaient réservés à des produits de grand luxe il y a 10 ans. C’est effectivement ça le progrès. Le fait qu’un produit donné puisse être produit à un coût moins important ne signifie pas forcément un appauvrissement : à condition de ne pas souscrire à une vision malthusienne du travail selon laquelle le travail disponible constituerait à un moment donné une masse invariable, une sorte de gros gâteau, qu’il suffirait de trancher en un nombre de parts plus important pour en donner à tous les demandeurs d’emploi. C’est la logique qui a présidé aux mesures obligatoires, généralisées et uniformes de baisse du temps de travail sans pour autant entamer le chômage. Il suffirait, si c’était vrai, de réduire le temps de travail toujours plus. Pourquoi 32 ou 30? Pourquoi pas 5? Il ne faut pas perdre de vue la nécessité de toujours assurer une production de richesse suffisante. Et cela passe surtout par le travail… Or la création de richesses permettra dans un environnement adapté la création de nouveaux besoins et de nouveaux emplois.
Meilleures salutations !
Bonjour Bigstop,
Merci à vous d’avoir pris le temps de me lire, ainsi que de me répondre de manière si construite et si argumentée.
Je reconnais volontiers que les idées défendues dans ce billet sont idéalistes : nombreux sont les obstacles liés à la mise en place, puis à l’interprétation d’indicateurs tiers.
Vous avancez qu’une augmentation moindre du PIB traduit des privations. Le problème est que la notion de privation est directement liée à la notion de superflu. Et c’est là que le bas blesse, comme je le soutiens dans mon billet : nous n’avons aucune visibilité sur la structure du PIB. Prenons un exemple : toutes choses étant égales par ailleurs, quelqu’un n’achète pas sa traditionnelle boite de thon 300gr Petit Navire à 3€, mais la « marque distributeur », même poids, à 1€. Le PIB a donc baissé de 2€, mais la personne a mangé la même quantité, et il n’a pas le sentiment de s’être privé. Vous voyez où je veux en venir ? On peut vivre en consommant moins (un strict nécessaire, si j’ose dire), et de manière plus intelligente. Autre exemple, qui est, lui, vécu : il n’est pas rare que j’aperçoive des réfections de trottoirs ou autres routes, alors que ceux-ci/celles-ci n’avaient aucun besoin d’être refaits. Quel gaspillage, et quelle consommation à outrance ! Seulement, les indicateurs actuels ne peuvent le déceler.
Concernant les Etats, nous sommes bien d’accord, leur capacité d’endettement ne peut être illimitée. Néanmoins, et de manière traditionnelle, l’Etat se doit d’être en déficit constant, à condition que ce déficit soit consacré à des investissements productifs (éducation, infrastructures…), et non pas à des dépenses non productives (dépenses somptuaires, d’apparat…), ou pour rembourser les intérêts des dettes prééxistantes. Nous sommes également d’accord pour dire que les thèses Keynesiennes ne doivent pas être simplifiées.
Je vous accorde le fait que la notion de bonheur est totalement subjective ; je l’ai d’ailleurs reconnu à plusieurs reprises dans le billet. A ce propos, vous avez mis en lumière une faille dans mon raisonnement : j’attribue en effet nécessairement la notion de bonheur au temps libre, alors que, comme vous le soulignez, celle-ci est le résultat de l’harmonie entre le travail et le temps libre. C’est une notion à laquelle j’adhère totalement. Mais, en vous suivant, je ne peux m’empêcher de penser qu’actuellement, cette possible harmonie est mise à mal du fait de la faible part de temps libre.
« Mais c’est oublier que 99,9% de la population d’alors ne possédait qu’une chemise et qu’une seule paire de souliers, portés tous les dimanches, toute leur vie et pas par goût, mais par nécessité » : je suis également d’accord avec cette objection, mais je nuancerais peut-être en disant que les plus riches, s’ils possédaient plus de biens, se débrouillaient tout de même pour les faire durer. Non pas à cause d’une nécessité, mais grâce à une culture de l’héritage et de la durabilité aujourd’hui révolue.
« Qu’une personne puisse acquérir une voiture familiale avec tous les équipements de sécurité les plus modernes pour 10.000 euros (bientôt) lorsqu’ils étaient réservés à des produits de grand luxe il y a 10 ans. C’est effectivement ça le progrès. » : je ne vais pas dans votre sens concernant cette phrase, car je ne considère pas qu’avoir une voiture toutes options (la plupart du temps en remplacement d’une voiture qui marche encore très bien, et qui n’a qu’une poignée d’années ; et avons-nous vraiment besoin de toutes les options d’une voiture ?) constitue un progrès. Du point de vue du PIB, c’est un progrès : l’indicateur s’en verra gonflé. Mais d’un point de vue moral, qu’en est-il ?
« A condition de ne pas souscrire à une vision malthusienne du travail selon laquelle le travail disponible constituerait à un moment donné une masse invariable, une sorte de gros gâteau, qu’il suffirait de trancher en un nombre de parts plus important pour en donner à tous les demandeurs d’emploi. C’est la logique qui a présidé aux mesures obligatoires, généralisées et uniformes de baisse du temps de travail sans pour autant entamer le chômage. Il suffirait, si c’était vrai, de réduire le temps de travail toujours plus« . Vous faites sûrement références aux 35 heures de Martine Aubry : elles ont en réalité créé environ 350.000 emplois. Si ce chiffre fait débat, et est difficilement vérifiable -ce que je comprends-, il faut garder à l’esprit que les 35 heures sont avant tout une mesure sociale, visant à, justement, répartir les gains de productivité en faveur d’une baisse du temps de travail. C’est un choix de société propre à la France : il consiste, grossièrement, à échanger de l’efficacité économique contre du temps libre.
« Pourquoi 32 ou 30? Pourquoi pas 5? » En théorie, à très long terme, et grâce aux gains de productivité créés d’ici-là, nous aurons le choix entre travailler autant, voire plus qu’aujourd’hui, avec un rendement énorme ; ou travailler très peu, avec un rendement légèrement supérieur à celui que nous connaissons actuellement. Votre question rhétorique est donc finalement une réflexion à mener, toujours dans la même ligne de pensée de mon billet : quelle société voulons-nous ?
Amicalement,
LPDE
Merci d’avoir pris le temps de me répondre !
Tout ceci est très stimulant.
« Seulement, les indicateurs actuels ne peuvent le déceler »
Je suis mille fois d’accord pour dire que le PIB ne doit pas être l’alpha et l’oméga des indicateurs; il en est un parmi tant d’autres, qui lui sont complémentaires. Il est cependant vrai que le PIB est celui qui est le plus souvent repris en boucle dans les médias, mais il faut aussi reconnaître que nous manquons, nous français, d’une culture économique et financière qui permettrait au plus grand nombre d’appréhender les concepts économiques avec efficacité.
« Néanmoins, et de manière traditionnelle, l’Etat se doit d’être en déficit constant, à condition que ce déficit soit consacré à des investissements productifs (éducation, infrastructures…), et non pas à des dépenses non productives (dépenses somptuaires, d’apparat…), ou pour rembourser les intérêts des dettes prééxistantes. »
Je ne sais pas… Je ne suis pas certain que je mettrais là le critère de la validité d’un déficit. Après tout, les dépenses d’apparat peuvent participer d’une redistribution des richesses et d’investissements ponctuels jugés économiquement pertinents: soutenir telle ou telle industrie.
Une politique de grands investissements en période de crise, quitte à ce que l’Etat s’endette ponctuellement, pour relancer la machine économique a prouvé sa pertinence. Mais nous ne sommes pas dans cette configuration. Notre modèle est celui du soutien de notre croissance par la consommation et les dépenses publiques (y compris les frais de fonctionnement des collectivités publiques) et ce depuis plusieurs décennies (ce qui explique que les effets de la crise aient été à court terme atténués en France). Ce modèle a été financé par la dette, toujours davantage creusée, au point que nous devons aujourd’hui emprunter pour payer les intérêts de la dette. Nous sommes aujourd’hui proche du point de rupture. L’option qui consisterait à emprunter encore davantage pour relancer la machine n’est plus une option, précisément parce que nous avons épuisé ce levier. Tel était mon propos. »
« Mais, en vous suivant, je ne peux m’empêcher de penser qu’actuellement, cette possible harmonie est mise à mal du fait de la faible part de temps libre »
Nous n’avons pourtant jamais autant joui du temps libre qu’aujourd’hui, paradoxalement (d’un point de vue global, j’entends).
« les plus riches, s’ils possédaient plus de biens, se débrouillaient tout de même pour les faire durer. Non pas à cause d’une nécessité, mais grâce à une culture de l’héritage et de la durabilité aujourd’hui révolue »
Et vous me compterez parmi les ardents militants en faveur d’un retour de ces valeurs. Sur ce point, nous sommes tout à fait d’accord.
« je ne vais pas dans votre sens concernant cette phrase, car je ne considère pas qu’avoir une voiture toutes options (la plupart du temps en remplacement d’une voiture qui marche encore très bien, et qui n’a qu’une poignée d’années ; et avons-nous vraiment besoin de toutes les options d’une voiture ?) constitue un progrès. Du point de vue du PIB, c’est un progrès : l’indicateur s’en verra gonflé. Mais d’un point de vue moral, qu’en est-il ? »
Je faisais référence en fait à des modèles de voitures qui ne seront pas dotés des options de confort et autres gadgets, mais des options liées à la sécurité. Une voiture « bas de gamme » produite aujourd’hui est souvent plus sûre qu’une voiture de luxe d’hier.
Je perçois le fait qu’une grande marque française ait annoncé dernièrement pouvoir produire une voiture familiale dotée de ces équipements de sécurité résultant d’innovations finalement très récentes pour un prix aussi bas et donc accessible un nombre toujours plus grand de personnes, comme un très bon signe de progrès.
« En théorie, à très long terme, et grâce aux gains de productivité créés d’ici-là, nous aurons le choix entre travailler autant, voire plus qu’aujourd’hui, avec un rendement énorme ; ou travailler très peu, avec un rendement légèrement supérieur à celui que nous connaissons actuellement. Votre question rhétorique est donc finalement une réflexion à mener, toujours dans la même ligne de pensée de mon billet : quelle société voulons-nous ?
« Vous faites sûrement références aux 35 heures de Martine Aubry : elles ont en réalité créé environ 350.000 emplois. Si ce chiffre fait débat, et est difficilement vérifiable -ce que je comprends-, il faut garder à l’esprit que les 35 heures sont avant tout une mesure sociale, visant à, justement, répartir les gains de productivité en faveur d’une baisse du temps de travail. C’est un choix de société propre à la France : il consiste, grossièrement, à échanger de l’efficacité économique contre du temps libre. »
Précisément. Admettons que 350.000 emplois aient été mécaniquement créés du fait de la mesure pour compenser les baisses de temps de travail, les chiffres du chômage prouvent que la situation ne s’est pas améliorée pour autant. Nous avons augmenté le coût du travail pour les productions en cours. Certes, certaines entreprises se sont retroussées les manches pour compenser partiellement ces impacts négatifs par une meilleure organisation du travail, des investissements, parfois en sacrifiant les conditions de travail et de sécurité de leurs employés, et souvent en utilisant l’argent public distribué sans compter sous formes d’aides diverses. Ce qui a un coût pour la collectivité.
La baisse du temps de travail peut être naturelle, progressive si elle résulte effectivement de gains de productivité, d’une hausse importante du niveau de vie résultant d’une croissance importante, traduisant une création de richesses positives. Mais financée artificiellement dans des conditions économiques déjà rigoureuses par des prélèvements obligatoires sur la richesse créée, elle ne peut avoir que des résultats mitigés, voir négatifs. Pour échanger efficacité économique contre du temps libre, encore faut-il que ce gain d’efficacité soit avéré. Et il est douteux qu’il puisse l’être également dans tous les secteurs pour tous les métiers de manière égale.
Ceci étant dit, je pense que le principal effet pervers de ce type de mesure est d’ancrer dans la psychologie collective cette vision malthusienne du travail comme un labeur non pas source d’émancipation mais aliénant dont il s’agit à tout prix de se libérer en se donnant bonne conscience, puisqu’en travaillant moins, on permettrait à des personnes privées de travail d’en retrouver. Tout cela contribue en outre à justifier les thèses protectionnistes y compris en matière de flux humais (immigration). Si un travailleur qui fait des heures supplémentaires « vole » le travail du voisin, le travail immigré, par définition, aussi…
Je pense d’ailleurs que des valeurs antagonistes qui nous manquent aujourd’hui beaucoup ne seraient pas exclusives du culte de l’élégance qui nous est cher. Mais c’est un autre débat. Il faudrait que je prenne exemple sur vous et le temps, un jour, de pondre une note !
Merci à vous, surtout.
Je rebondis sur plusieurs de vos points.
« Ce modèle (celui des grands investissements) a été financé par la dette, toujours davantage creusée, au point que nous devons aujourd’hui emprunter pour payer les intérêts de la dette« . Plusieurs facteurs expliquent en réalité l’augmentation de la dette. Les grands investissements en font partie, mais vu leur horizon temporel (le très long terme), l’Etat se doit de les prendre en charge. Puis, viennent les gaspillages. Ils sont légion, et personne n’ose s’y attaquer car il s’agit d’économies de bouts de chandelle : optimisation des processus dans l’administration, réduction de la consommation en électricité/eau etc… . Il existe beaucoup de perspectives d’amélioration. Enfin, l’inflation. Très forte jusqu’au début des années 1980, elle a ensuite baissé graduellement grâce, notamment, aux effets de la concurrence internationale qui a fait pression à la baisse sur les salaires et les prix. Ceci, conjointement aux politiques de contrôle de l’inflation durant les années 2000 par la BCE, a eu pour résultat d’augmenter la dette en baissant énormément le taux d’intérêt réel.
« Pour échanger efficacité économique contre du temps libre, encore faut-il que ce gain d’efficacité soit avéré« . Bien que ce soit très difficilement mesurable, le temps libre permet des gains de productivité. En effet, en théorie, un employé reposé sera plus efficace qu’un autre qui est fatigué. Ceci dans la mesure où, bien entendu, le temps libre n’est pas étendu au point qu’il disqualifie les personnes en bénéficiant (par exemple, par la perte des habitudes au travail, et donc d’efficacité).
Le temps libre permettrait donc de baisser indirectement les coûts du travail grâce à l’augmentation de la productivité. D’ailleurs, la France est perçue comme un OVNI par les tenants du Consensus de Washington, et plus globalement du Capitalisme à l’Anglo-Saxonne : nous travaillons relativement peu, mais sommes très productifs ! C’est pour cela que je ne vous rejoins pas lorsque vous affirmez que « nous avons augmenté le coût du travail pour les productions en cours » en ayant recours à la baisse du temps de travail.
Je vous rejoins cependant lorsque vous mettez le doigt sur les points faibles des 35 heures, qui est son caractère global. Avec du recul, il aurait en effet été plus judicieux de segmenter en fonction des activités. D’ailleurs, sur le sujet de la segmentation par secteur (retraites, horaires, salaire minimum…) l’Allemagne est un modèle.
« Ceci étant dit, je pense que le principal effet pervers de ce type de mesure est d’ancrer dans la psychologie collective cette vision malthusienne du travail comme un labeur non pas source d’émancipation mais aliénant dont il s’agit à tout prix de se libérer en se donnant bonne conscience, puisqu’en travaillant moins, on permettrait à des personnes privées de travail d’en retrouver. Tout cela contribue en outre à justifier les thèses protectionnistes y compris en matière de flux humais (immigration). Si un travailleur qui fait des heures supplémentaires “vole” le travail du voisin, le travail immigré, par définition, aussi…« . Je n’avais jamais vu les choses sous cet angle, mais je comprends tout à fait où vous voulez en venir. J’imagine que le risque de récupération par les Partis les plus populistes est bien réel, malheureusement.
« Mais financée artificiellement (la création du temps libre) dans des conditions économiques déjà rigoureuses par des prélèvements obligatoires sur la richesse créée, elle ne peut avoir que des résultats mitigés, voir négatifs« . Effectivement, mais c’est là encore un choix de réduire sa ‘performance’ (vue par la lunette du PIB, donc biaisé) au profit du temps libre.
Par ailleurs, les prélèvements obligatoires sont nécessaires dans la mesure où ils servent à la création et/ou l’entretien d’infrastructures et de services que les entreprises affectionnent. Mais elles veulent le beurre et l’argent du beurre. Qu’elles aillent s’installer en Chine : le coût de la main d’oeuvre est certes très faible, de même que les impôts, mais comparez ceci aux coûts potentiels que représentent la corruption, le risque de vol de propriété intellectuelle, de faible qualification des employés… . Il en va de même pour les français qui, en général, prennent pour acquis d’avoir une justice plutôt impartiale, efficace et non corrompue, de nombreux transports en commun accessibles, et ainsi de suite, tout en se plaignant de payer trop d’impôts.
A l’instar du temps de travail et des indicateurs économiques, le taux d’imposition, ainsi que l’assiette des différents prélèvements, témoignent d’un idéal de société dont les différents aspects se doivent d’être cohérents. De ce fait, si l’on choisit de moins travailler, il faudra accepter des compromis en termes de salaires et d’imposition. Notez également que les compromis en termes d’impositions peuvent être supportés par les plus hauts revenus.
Amicalement,
LPDE
Après votre article consacré à Edouard VIII et celui sur la discrétion, c’est la troisième fois que je me dis que votre voix se distingue de celles des autres sites consacrés à l’élégance par sa hauteur de vue et son indépendance d’esprit.
Quand on s’appelle « Le paradigme de l’élégance », on affiche des ambitions qu’il faut pouvoir soutenir. Vous pouvez. J’admire.
Je suis un fidèle lecteur et je m’abstiens habituellement d’intervenir, faute d’avoir quelque chose d’intéressant à apporter au débat, mais le passage suivant m’a fait réagir :
« Cette posture se retrouve notamment chez les Chaps. “Ils regrettent un temps révolu où l’homme était au centre de la société, et où l’on prenait le temps de vivre“, disais-je dans le billet que je leur avais consacré il y a quelques mois. »
Malgré son humanisme, je trouve que cet argument est un lieu commun. L’homme – l’individu – n’a jamais cessé d’être au centre de la société. Sans lui, la société n’existerait pas.
Face à ce phénomène qu’ils observent et qu’ils déplorent, les Chaps adoptent la bonne réaction : ils résistent, par l’humour et l’élégance, sans forcer le reste de la société à les suivre, sans vouloir faire son bonheur contre son gré, sans inventer de nouveaux indicateurs pour masquer une réalité qu’ils refuseraient de voir.
Bonjour Victor,
Merci pour votre commentaire.
Je pense au contraire que l’individu est désormais au centre de lui-même, et non plus de la société.
A propos de vos derniers mots, pouvez-vous préciser votre vision de la réalité que, selon vous, d’autres ainsi que moi-même refusons de voir ?
Amicalement,
LPDE
L’individu au centre de lui-même ? Pourquoi pas. Mais cela ne fait pas disparaître la société, elle devient simplement plus individualiste, car les valeurs collectives, au nom desquelles on justifie tout et n’importe quoi, sont heureusement délaissées.
J’ai été impréci : je ne vous reproche pas de refuser de voir cette réalité (la victoire de la société du gaspillage et du paradigme de la mode), mais de prétendre la corriger en changeant les règles du jeu. Le PIB, sa croissance, et la productivité, sont de simples indicateurs, et le fait que les politiciens les utilisent fréquemment n’a pas causé l’émergence de cette société.
En un mot, je tenais simplement à critiquer le sophisme trop répandu selon lequel « l’économie n’est plus au service de l’homme ». En vérité, elle n’a jamais cessé de l’être.
Merci pour votre réponse.
En fait, je ne prétends pas vouloir changer les règles du jeu, mais la manière dont nous percevons les choses. C’est une question de perspective, en somme. Autrement dit, changer la manière dont le paradigme économique (et plus largement sociétal) actuel porte sont regard sur l’économie, et ce qu’il soit, schématiquement, Libéral (droite) ou Keynésien (gauche). Par ailleurs, je pense que le PIB ou la notion de productivité sont des causes, et non des symptômes, de ce paradigme.
Quant à ma phrase « l’économie n’est plus au service de l’homme« , je comprends qu’elle puisse paraitre imprécise, idéaliste, peut être même populiste ou partisane (il me semble en effet que certains partis de gauche l’utilisent). En réalité, elle est indépendante. Ma réflexion se veut transpartisane et pragmatique.
Amicalement,
LPDE
je ne peux que vous conseiller la lecture de la brève interview de Michel Rocard (dans un « Monde » récent, vendredi dernier me semble-t-il), dans lequel, en substance, il souhaite un » monde de pratiques culturelles et sportives intenses, de temps familial abondant, de soins aux enfants et de retour à des relations amicales festives. »
cdt
Bonjour Henri,
Merci pour votre commentaire et cette suggestion, j’avais effectivement lu cet article.
Je me permets d’ailleurs de reprendre votre information en indiquant un lien vers celui-ci. L’article étant désormais payant (sauf pour les abonnés Monde.fr), il faudra débourser 2€ pour pouvoir le lire.
Amicalement,
LPDE
Merci LPDE d’aborder ce sujet de front; La plupart des blogs sur l’élégance mentionnent tous cet aspect sans jamais vraiment en parler (toujours pour « un futur billet »). Etre un gentleman a plusieurs implications; Si la partie apparence et comportement en est sans conteste la plus amusante, elle n’en est pas forcément la plus importante… Je plussoie le commentaire de Nathan.
Sur le fond, pour moi qui suis impliqué dans toutes les problématiques du changement climatique, des plans énergétiques et de la fameuse « prosperity without growth » (peut-être une autre référence à rajouter), les élégants sont du coté des « bons ». Tout le monde ne peut pas mener une vie de dandy; Tout le monde peut en principle mener une vie d’élégant à un degré plus ou moins haut, et si tout le monde faisait ça, vous avez raison de dire que le monde – à la fois la société et la planète – s’en porterait mieux. Ce n’est pas être naïf ou idéaliste que de le dire.
W.
Je n’avais jamais fait le lien tel que vous le présentez, et cet éclairage nouveau m’interpelle et m’intéresse !
Je rejoins également le commentaire de Nathan.
Merci donc pour ce billet (et les échanges très intéressants dans les commentaires).
Est-ce à dire que l’élégant serait décroissant par nature ?
En tout cas, j’avais presque l’impression de lire du Paul Ariès 😉
Bonne continuation et au plaisir impatient de vous lire.
Sébastien
Bonsoir Seb F.,
Merci pour votre commentaire.
Point de décroissance, non, car ce serait admettre le concept de croissance, ce à quoi je me refuse. C’est par ailleurs un terme bien trop connoté politiquement.
Je pense en revanche qu’il est urgent d’adopter un modèle de consommation raisonnable et raisonnée, mais surtout qui sorte du paradigme selon lequel la possession matérielle serait synonyme de progrès. Ces valeurs-là rejoignent à mon avis celles de l’élégance.
Amicalement,
LPDE
« Hélas, le constat est toujours le même : la richesse devrait non pas être utilisée pour acquérir des biens matériels inutiles, ou -pire !- pour elle-même, mais plutôt pour créer des moments amenant bonheur et bien-être, bien que ces notions soient floues. »
C’est sympathique votre concept de consommation durable, mais toute la machine repose sur la consommation et la production de biens de consommation. Toute notre société de bien être repose là dessus, d’où la tartufferie du concept de développement durable.
Ça a tout l’air , en effet, d’une fuite en avant, mais la question qu’on doit se poser est la suivante : qui est prêt à assumer les conséquences d’une décroissance, d’une véritable rupture ?
Quant à mesurer le bonheur d’une population, ou de juger de l’inutilité de certains biens matériels, cela me paraît bien plus hasardeux que de mesurer le PIB.
Comme l’a déjà dit Bigstop, la population n’a jamais au cours de son histoire atteint un tel niveau de vie générale. Il n’a jamais fallu aussi peu travailler, en heures de travail, pour acquérir non seulement des biens de consommation plus ou mois « annexes », mais aussi les produits de premières nécessité, comme la nourriture. C’est un fait.
Bonjour Eugene,
Je n’ai à aucun moment mentionné le terme de consommation durable, encore moins celui de décroissance, mais soit, abordons-les.
Oui, notre société actuelle repose sur les biens matériels. La société de bien-être, elle, trouve essentiellement sa source dans le secteur des services, qui fonctionne lui-même grâce à un minimum de biens matériels produits pour durer, de même que tous les autres biens matériels dont nous aurions besoin.
Quant à la décroissance, accepter ce terme reviendrait à accepter le concept de croissance. Je m’y refuse.
Vous jugez du niveau de vie global que vous trouvez très élevé. Oui, c’est un fait, le pouvoir d’achat a augmenté. Mais, pour vous, un bon niveau de vie général est celui pour lequel on peut s’offrir des biens de consommation. Votre définition du niveau de vie se confond dans celle de la capacité à consommer. Et c’est justement cela que je dénonçais dans ce billet.
Attention cependant, je ne prône en aucune sorte la fin de la consommation. Je pense avoir été assez clair dans mon billet : il s’agit de consommation raisonnée et raisonnable.
Quant à la durée du travail, vous avez raison, a bien diminué. 3.000 heures annuelles en 1800, environ 1.600 en l’an 2000. Mais, comme je l’avais déjà évoqué, cette baisse est complètement décorrélée de la hausse des gains de productivité. Ceci reflète notre choix de société actuelle contre lequel je me bats.
Enfin, pour répondre à votre remise en question de l’efficacité de la mesure du bien-être : que pouvez-vous en savoir, sachant qu’aucun indicateur de ce type n’est répandu, encore moins utilisé, mis à part l’IDH (co-développé par Amartya Sen, que je citais justement dans ce billet) concernant les PED ? Quant à juger de l’utilité d’un bien matériel, je n’ai besoin d’aucun indicateur, mais plutôt de ma propre conscience…
Et, pour finir, le caractère imprécis et vague de mon billet est volontaire : il s’agit d’un essai à visée intellectuelle, voire universitaire. Je laisse donc aux économistes le soin de préciser ces indicateurs, car ce n’est pas mon métier.
Amicalement,
LPDE
Ne croyez pas que je vous prête une doxa décroissante, mais c’est pourtant bien inévitablement lié à votre propos; Les décroissants, à gauche, à droite, se rejoignent dans cette même mise en cause de la société de consommation et de la notion de « bonheur » matérialiste, et dans la recherche d’une sorte d’accomplissement alternatif spirituel, qui aurait plus de « sens », plus ou moins lié à une tradition anticapitaliste. Ils rejettent également ces instruments de mesures capitaliste.
L’histoire devrait pourtant nous apprendre à nous méfier de ceux qui professent le « vrai » bonheur et qui s’occupent de le définir à la place des gens.
C’est amusant, car conformément au cycle spenglérien, nous nous retrouvons aujourd’hui, au comble du bien être matériel, dans la même remise en cause de ce qui a justement permis ce confort, et dans la même soif de spirituel que les romains de la fin de l’Empire, le tout dans un même contexte où la pietas traditionnelle, ce ciment qui assure la cohésion, est presque asséchée.
Bonsoir Eugene,
Notre débat est malheureusement tronqué car vous me prêtez, hélas, des pensées que je n’ai pas. Votre vision de l’économie semblant être dichotomique, je devrais être pour la croissance, ou alors pour la décroissance, et absolument rien d’autre. C’est assez réducteur. Cela me rappelle d’ailleurs une fameuse publicité à propos des antibiotiques…
Amicalement,
LPDE
Je crois que c’est ma première intervention par ici, bien que je vous suive depuis quelques temps maintenant. Je me retrouve parfaitement dans vos propos, car j’observe sans arrêt nombre de gens pourtant à l’aise financièrement, se complaire dans une certaine fadeur spirituelle (au sens des choses de l’esprit). Certains même d’être mal dans leur peau, malgré cet argent qui ne sert pas à faire leur bonheur.
Et sur le premier point je m’interroge sur la relation entre le statut social et la volonté de se cultiver par soi-même, qui ne me semble plus aller de soi depuis que j’ouvre les yeux là-dessus.