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Cirage, crème universelle, embauchoirs, palot, Saphir, veau-velours
L’entretien des souliers étant un moment privilégié de la vie de tout élégant, je présenterai ici le matériel nécessaire, ainsi que les gestes à adopter.
Mais, au juste, pourquoi entretenir ses souliers ? Tout d’abord, leur durée de vie en sera incroyablement augmentée, possiblement portée à vingt ans ; au contraire, l’absence d’entretien peut très vite avoir raison des meilleurs souliers. Puis viennent les raisons esthétiques. Un entretien régulier confère une patine unique au cuir, comme je l’avais déjà évoqué à propos d’un cartable ; et le glaçage, outre ses vertus protectrices, permet de magnifier des souliers de ville. Enfin, entretenir ses souliers permet de passer un rare moment d’élégance, accompagné d’un verre de Whisky, et de Jazz ou de Classique. C’est à l’occasion de ce moment privilégié que vos souliers, simples objets inertes, s’animent et deviennent de véritables compagnons, chacun ayant un caractère unique s’affinant avec le temps. Un moment privilégié, oui, mais également chargé d’émotion. « Vos souliers ont une âme« , a dit à ce sujet Olga Berluti. Si je n’apprécie guère les démarches actuelles de son entreprise, je me reconnais volontiers dans cette sentence, ainsi que dans la suivante, à propos d’un soulier qu’elle s’emploie à cirer : « Il aime beaucoup Mozart« .
Voici une liste du matériel dont vous devrez disposer pour vous consacrer à vos souliers :
- Deux embauchoirs par paire de souliers. De préférence une demi pointure au dessus, plutôt qu’une demi pointure en dessous, produits par le fabriquant vous ayant vendu la paire afin que les formes soient adaptées, et si possible en cèdre rouge. Les vertus désodorisantes et anti mite de ce bois éloigneront à la fois les mauvaises odeurs et les parasites de votre penderie. Enfin, les embauchoirs doivent être en bois brut afin d’absorber l’humidité, et être insérés dans vos souliers dès qu’ils sont inutilisés. Ceci permet d’éviter que le cuir ne se déforme.
- Deux brosses, dont une en crin de cheval afin de raviver l’éclat du cirage. Si vous êtes très méticuleux, vous pouvez disposer d’une brosse par couleur de soulier. L’autre pourra être en poils synthétiques, et servira à dépoussiérer le cuir afin le cirage.
- La brosse en crin de cheval peut être remplacée soit par un gant lustreur en mouton retourné (attention cependant à ne pas vous en servir lorsque le cirage n’est pas encore sec), soit par un bas, qui est une solution certes peu élégante, mais tout aussi efficace.
- Un palot par couleur de cirage (et donc de soulier). Ces petites brosses permettent d’étaler le cirage jusque dans les recoins de la trépointes, et d’y nourrir le fil poissé.
- Une brosse comportant une partie de poils en laiton destinée au veau velours, qui servira à la fois à dépoussiérer et à rafraichir l’état du cuir.
- Du savon de Marseille qui, dilué dans un peu d’eau, vous permettra de nettoyer vos souliers en veau-velours s’ils sont trop sales en les frottant avec une brosse à ongles.
- Une kyrielle de chiffons de coton (un vieux T-shirt découpé en morceaux fait l’affaire) serviront à étaler le cirage.
- Une bouteille de crème universelle afin de nourrir le cuir.
- Et bien entendu, du cirage. Saphir semble être le meilleur choix. Il est conseillé d’utiliser un cirage légèrement plus foncé que la teinte d’origine du soulier. Le cirage doit être composé, comme son nom l’indique, de cire naturelle ; de la térébenthine (essence de pin) sert de solvant. Mais fuyez comme la peste les cirages liquides vendus en bouteilles garnies d’une éponge : elles n’ont rien à voir avec du cirage et assassinent le cuir.
- Un coffret cireur (en cèdre rouge, si possible) est facultatif, mais permet d’ajouter un supplément d’élégance lors du cirage. Vous pourrez y ranger tout le matériel sus-cité, et y poser vos souliers lorsque vous vous en occuperez.
Avant d’aborder le sujet du cirage, rappelons quelques pratiques qui permettent d’augmenter grandement l’espérance de vie de vos souliers. Tout d’abord, une paire ne devrait pas être portée deux jours de suite. En effet, le cuir imprégné de transpiration ne peut sécher correctement dans un laps de temps aussi court. Ainsi, il est judicieux d’instaurer un roulement et, évidemment, plus vous possédez de paires, plus le roulement est aisé, et plus la durée de vie globale de vos souliers est augmentée. Rappelons également la nécessité de toujours y enfiler des embauchoirs, comme mentionné précédemment. Et, si vous souliers sont mouillés après une journée de pluie, il suffit de bourrer l’intérieur de papier journal (il est également possible d’y mettre un embauchoir, sauf sur les paires au cuir très fin qui risquent de ‘marquer’ aux jointures de ce dernier) afin que l’eau soit absorbée. Il suffit ensuite de les coucher sur la tranche à température ambiante, et surtout pas devant un radiateur.
Passons au cirage, à présent. Avant toute chose, assurez-vous d’avoir du temps libre : cirer ses souliers, comme je l’ai déjà dit, doit être un moment privilégié avec vos compagnons, et ne doit donc surtout pas être fait à la va-vite. Servez-vous votre boisson favorite (je ne vous en voudrais pas si ce n’est pas du whisky !), mettez en route un peu de musique. Ça y est, vous êtes fin prêt. La première chose à faire est d’ôter les lacets (si le soulier en est doté, bien entendu), puis de dépoussiérer le cuir grâce à la brosse prévue à cet effet. Il faut ensuite nourrir le cuir en l’assouplissant, et d’enlever le surplus de cirage précédent, grâce à la crème universelle. Un chiffon vous permettra de l’étaler, et de la faire pénétrer en profondeur. Notez que l’utilisation de la crème universelle n’est pas obligatoire à chaque cirage, et peut être effectuée tous les deux, voire trois cirages au maximum. Une fois ceci effectué, il est conseillé de laisser sécher quelques minutes avant de passer à l’étape suivante.
Prenez ensuite un palot, et imprégnez-en les poils du cirage dont la teinte est légèrement plus foncée que celle des souliers, comme expliqué précédemment. Étalez ensuite le cirage tout au long de la trépointe, assurez-vous de bien en imbiber le fil poissé (sauf, bien sûr, si les souliers sont cousus Blake), et faites de même sur la tranche de la semelle d’usure et la talonnette. Le palot peut ensuite servir à étaler le cirage sur la tige. Mais prenez garde : le cirage peut durcir les poils de celui-ci, ce qui a pour effet de lacérer le cuir trop fin. Il est donc plus pertinent d’y étaler le cirage à l’aide d’un chiffon. Si vous disposez d’un sèche-cheveux, servez-vous en à faible température sur la tige afin d’ouvrir les pores du cuir. Vous pouvez aussi faire légèrement brûler le cirage en l’enflammant. Ceci aura pour effet de le liquéfier et de le chauffer, ce qui facilitera sa pénétration. Mais ces deux astuces sont facultatives. Pour étaler le cirage, utilisez votre chiffon pour récolter un peu de cirage et massez le cuir. Attention à ne pas y mettre trop de cirage, qui dessèche le cuir à trop forte dose. Et n’oubliez pas d’étaler le cirage sur les talonnettes et la tranche de la semelle.
Passons maintenant au glaçage. Cela consiste à former une couche épaisse et brillante de cirage sur le bout dur et les contreforts, ce qui, outre l’apport esthétique, permet de protéger ces parties de l’eau, mais aussi des coups ou des griffures. Attention, seules les parties citées doivent être glacées. Excluez tous les plis d’aisance. Un glaçage n’est pas chose aisée, et il vous faudra un grand nombre de tentatives avant d’obtenir un résultat satisfaisant. La méthode consiste à disposer d’un peu d’eau, et de déposer quelques gouttes sur la partie du cuir à glacer. Il faut ensuite étaler un peu de cirage à cet endroit, et répéter ces deux opérations jusqu’à obtenir un résultat convenable. La bonne réussite du glaçage dépend essentiellement du délicat dosage entre eau et cirage. Seule l’expérience vous permettra de le trouver.
Concernant les souliers en veau-velours, l’entretien de la tige est évidemment différent. En revanche, vous pouvez toujours cirer la trépointe, la tranche de la semelle et la talonnette, pour peu que vous protégiez le cuir en cas de bavure. Le veau-velours, quand à lui, nécessite un entretien bien moins régulier que le cuir. Il suffit de le brosser de temps en temps grâce à une brosse aux poils en laiton. Contrairement aux idées reçues, le veau-velours n’est pas fragile, et peut tout à fait être porté sous la pluie.
Voilà, vos souliers sont à présent dignement cirés, et votre verre est vide !
Pour finir, j’aimerais vous suggérer l’adresse du site internet Valmour qui dispose de nombreuses références. Les prix ne sont pas toujours avantageux, mais la boutique en ligne permet de regrouper de nombreux produits d’ordinaire difficilement trouvables au même endroit. Si vous connaissez un autre site, n’hésitez-pas à en faire part en commentant ce billet, afin d’en faire profiter tous les lecteurs.